4 pour 1000 : l'agriculture comme solution au changement climatique
Publié par Shoona Woolley, journaliste le | Mis à jour le
L'initiative 4 pour 1000 regroupe une multitude d'acteurs pour faciliter et inciter un changement des modes de production agricoles au niveau mondial. Présentée au sommet ChangeNow 2021, l'initiative met en avant l'importance de la capacité de stockage des sols agricoles dans la lutte climatique.
L'Initiative 4 pour 1000, présentée lors de l'édition en ligne ChangeNow 2021, a pour but de créer une synergie entre les différents acteurs du monde agricole et des institutions pour mettre en place une réelle transition d'agriculture régénératrice des sols.
Initiée il y a cinq ans à partir du constat que l'agriculture pouvait ne pas simplement être un problème mais aussi une solution au changement climatique, 4 pour 1000 se concentre sur la capacité de stockage de carbone dans les sols. À la suite de la Cop 21 de 2015, l'ancien ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll se demande comment faire de l'agriculture un levier de lutte contre le changement climatique.
Après des rencontres avec des scientifiques de l'INRA, ces derniers ont expliqué que sous la surface peu profonde des sols, entre 30 et 40 centimètres, sont stockées près de 1000 giga tonnes de carbone. Selon ces mêmes recherches, l'ensemble des activités humaines représente plus de neuf giga tonnes de carbone dans l'atmosphère et seulement la moitié est absorbée par les océans et les espaces arborés.
" Il y a un flux net de 4,3 giga tonnes de carbone libérées dans l'atmosphère à cause des activités humaines. Et en rapprochant ces deux chiffres : 4,3 et 1000, il faut augmenter la quantité de carbone stockée dans les sols pour compenser ce flux de 0,4 % de la totalité des stocks de carbone présents dans les sols ", explique Paul Luu, secrétaire exécutif de l'initiative 4 pour 1000.
L'agriculture comme partie de la solution face au changement climatique
En changeant de vision, l'agriculture peut devenir solution, si les pratiques agricoles se transforment. Les sols agricoles sont de véritables réservoirs à carbone, mais seule une synergie entre les différentes nouvelles pratiques agricoles peuvent amorcer une transition. L'arrêt du labour des sols ne produit que peu d'effets si ces mêmes sols épargnés ne sont pas couverts : " Sans des cultures de couvertures, comme les légumineuses qui capturent énormément de CO2, pour empêcher une fuite de carbone, cela ne fonctionne pas. Il faut également apporter une rotation culturale pour ne pas appauvrir les sols ", précise Paul Luu.
Ces pratiques sont à adapter au climat et aux sols des exploitations. " Nous pouvons jouer sur de nombreux paramètres grâce à l'ensemble de ces pratiques agricoles. Il faut évidement les adapter aux conditions des agriculteurs et à leur exploitations ", rajoute le secrétaire exécutif de 4 pour 1000. Reboiser les exploitations, protéger les zones de stockages naturelles et agricoles sont un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique.
Mais un autre enjeu rentre en compte, celui de la sécurité alimentaire : " Nous savons pertinemment que la production agricole mondiale est suffisante pour nourrir toute la population mais le gaspillage et la surconsommation sont les grands enjeux de cette problématique. La refonte des modes de productions doit aussi pallier à ce problème de redistribution des ressources alimentaires, en produisant sur de plus petites surface mais de façon plus respectueuse de l'environnement ", indique Paul Luu.
Un marché du carbone pour permettre cette transition
Pour rendre possible cette transition de grande ampleur, il faut rendre accessible ces changements de modes de production agricoles, financièrement et socialement. " Ces pratiques existent déjà et ce sont les agriculteurs qui les portent, mais nous devons tous, selon notre échelle, les aider à s'engager dans cette transition ", prévient Paul Luu.
C'est une des missions de l'Initiative 4 pour 1000. En tant que coordinateur multi acteurs au niveau international, 4 pour 1000 regroupe des ONG, des collectifs d'agriculteurs, des organisations scientifiques, des entreprises et même des acteurs institutionnels de plusieurs pays. " Chacun a sa part de responsabilité à jouer. Il faut expliquer et accompagner les agriculteurs, dans la complexité de la mise en oeuvre des nouvelles pratiques ", détaille Paul Luu. Une solution à cette transformation profonde réside dans la création d'un marché du carbone : " Plusieurs acteurs ne peuvent pas supprimer entièrement leur empreinte carbone. Il faut qu'ils compensent en aidant financièrement ceux qui vont stocker du carbone pour eux, tout en limitant au maximum leurs émissions. Ceux qui stockent le carbone doivent être ceux qui bénéficient le plus de ce marché du carbone ", pour le secrétaire exécutif.
Pour se faire, tout un système de suivi et de mesures doit se mettre en place sans que les agriculteurs aient à en subir l'installation. " Un processus d'évolution sur ces mesures doit voir le jour, avec des outils de mesures, de captation de carbone dans les sols, mais ce n'est pas aux agriculteurs de le mettre en place ", stipule Paul Luu, avant de compléter : " Cet argent privé issu de ce marché carbone doit être investi dans ce type d'actions pendant que l'argent publique des subventions soit utilisé comme aides directes aux agriculteurs. "
Un plan stratégique à long terme
Grâce à un plan stratégique à échéance 2050, l'Initiative 4 pour 1000 veut donner un cap et se fixer des objectifs engageants. Réparti en six grands buts de 24 objectifs chacun, ce plan a pour ambition de pointer les axes d'amélioration tout en réalisant un travail de sensibilisation nécessaire à cette transition. L'enjeu est de trouver un consensus entre la multiplicité des acteurs engagés dans cette démarche et en créant des échanges entre ces derniers.
" Un autre objectif de ce plan est de mettre en place un tableau de bord pour suivre ces évolutions stratégiques afin de pouvoir rapporter les avancées au fil du temps et montrer l'efficacité de ce changement, et inciter un maximum de parties prenantes ", détaille le membre de l'initiative représentée au sommet ChangeNow.
Paul Luu conclut en insistant sur un point : l'importance d'un encadrement législatif, tant au niveau national que supra national. " Il faut des mesures d'accompagnement, incitatives et même coercitives pour maximiser les chances de succès de ce changement ", précise-t-il. Avec la réforme en cours de la PAC, il est nécessaire d'attendre des évolutions en ce sens : " Il y a eu une réelle prise de conscience de l'importance d'un changement de pratiques agricoles au niveau européen, ce qui semblait impensable il y a cinq ans au début de l'initiative. C'est porteur d'espoir mais il ne faut pas décevoir cet espoir ".