"Le marketing de l'innovation technologique participe à l'obsolescence des appareils électroniques"
Publié par Marwan Mazloum, directeur marketing de Quelbonplan.fr le - mis à jour à
« L'économie circulaire a ceci de fabuleux qu'elle nous pousse à repenser notre rôle de vendeur pour le meilleur, ce qui fera du bien au pouvoir d'achat et à la planète », indique Marwan Mazloum, le directeur marketing de Quelbonplan.fr dans une tribune.
Le marketing de l'innovation technologique participe à l'obsolescence de tous nos appareils électroniques. Mais ne nous y trompons pas : nous achetons des produits neufs, alors que nos anciens appareils sont toujours en état de fonctionnement ou ont juste besoin d'une petite réparation pour durer encore un ou deux ans. Les téléviseurs ont dépassé en résolution et en fréquence la capacité de nos yeux humains depuis plus de 10 ans.
Posons-nous la question de savoir si ces améliorations valent vraiment la peine de jeter un appareil en bon état, de construire des data centers à n'en plus finir, et d'épuiser les ressources terrestres, matières premières et terres rares, à un niveau record chaque année ?
Abandon de produits viables
L'obsolescence que nous ressentons face aux nouveautés technologiques est avant tout le résultat d'une stratégie de marketing par l'innovation, qui rend les produits obsolètes dans nos esprits en tant que consommateurs. Elle génère un abandon de produits viables et de la surconsommation. Ce n'est plus acceptable dans une logique de préservation de l'environnement, et dans une économie qui se tourne vers la responsabilité sociale et environnementale.
Avec l'avènement des réseaux sociaux, l'image est inscrite au centre du message. Elle vient compléter le verbe : mèmes, gifs et vidéos y sont quasi systématiques, jusqu'à représenter plus de 80 % des flux internet. Le besoin d'image n'a jamais été aussi grand, et, depuis les années 2000, les constructeurs mènent une course technologique. Chaque nouvelle génération d'appareil va plus loin dans la promesse d'une image toujours plus nette, plus belle. Mais à grand renfort de campagnes de publicité, de keynotes et de Black Friday.
Smartphones dans le tiroir
Les optiques photos proposées sont désormais supérieures à 10 Méga pixels pour des photos qui finissent compressées dans des résolutions minimes sur les réseaux sociaux, où pire, des photos qui tombent dans l'oubli dans des clouds payants. Ce progrès survendu ne profite qu'à peu de détenteurs, notamment dans les smartphones. Ces derniers, délaissés pour la nouvelle version, sont aujourd'hui 120 millions à dormir au fond des tiroirs des Français.
L'impact environnemental de cette surconsommation numérique provoquée est énorme : la production d'un smartphone pèse beaucoup dans la facture, à ça, il faut ajouter les coûts en infrastructure et en data centers pour soutenir l'hébergement et la diffusion des images, le cloud n'est pas immatériel. Apple a par exemple récemment annoncé des solutions de réparation, mais on peut trouver l'argument cosmétique : seuls quelques geeks audacieux devraient oser se lancer avec cette boîte à outils.
Aider le consommateur à "reprendre la main"
Le législateur a déjà réagi face à l'obsolescence marketing : la loi du 15 novembre 2021 vise entre autres à poser des verrous sur les possibles sources de dérive. Son article 6 parle de pédagogie en matière de sobriété numérique, mais les experts sont nombreux à souligner que le délit d'un fabricant reste difficilement sanctionnable.
Les récentes mesures qui en découlent, comme la mise en avant de l'indice de réparabilité, donnent une belle impulsion en matière de sobriété numérique. En tant qu'acteurs de la filière, nous devons accompagner cet élan en bout de chaîne. Cela peut porter sur la mise en oeuvre de campagnes de sensibilisation des internautes et des consommateurs aux conséquences de la surconsommation. Il est aussi possible d'agir dans l'aide au choix pour le consommateur. Aider ce dernier à ne plus surconsommer grâce au service et au conseil s'inscrit pleinement dans l'éthique de l'économie circulaire.
Au-delà du commerce, c'est tout un effort de philosophie et de pédagogie que les marketplaces doivent mettre en place pour aider les consommateurs à reprendre la main sur leurs choix en fonction de leurs usages réels.
Nous pouvons les conduire à s'affranchir des diktats du marketing tout en profitant du progrès technologique avec justesse, sans déléguer la beauté de leurs créations photo et vidéos aux dieux de la technologie. L'économie circulaire a ceci de fabuleux qu'elle nous pousse à repenser notre rôle de vendeur pour le meilleur, ce qui fera du bien au pouvoir d'achat et à la planète.