Greenwashing : comment rétablir la loyauté des allégations environnementales ?
De plus en plus d'entreprises mettent en avant leur action en faveur de l'environnement, mais pas toujours à bon escient. De nombreuses mesures qui entrent en application en 2022 ont pour ambition de rétablir la loyauté des allégations environnementales.
Je m'abonneOn se souvient des produits des années 80 qui lavaient « plus blanc que blanc ». Dans la période récente, on voit plutôt se développer la promotion de produits ou de politiques d'entreprises « plus vertes que vertes ». Cette course à l'écoblanchiment (ou « greenwashing ») estompe la ligne entre les entreprises véritablement engagées dans une démarche de préservation de l'environnement et celles qui surfent sur la vague de la transition écologique. Le risque est de tromper le consommateur et de priver les entreprises véritablement vertueuses de leur avantage concurrentiel.
Le « greenwashing » consiste à affirmer ou à laisser entendre qu'un bien a un impact positif ou n'a pas d'incidence sur l'environnement, ou encore qu'il est moins néfaste pour l'environnement que les autres biens disponibles sur le marché, alors que c'est faux ou que ce n'est pas vérifié scientifiquement.
Une étude publiée par la Commission européenne début 2021 a constaté que sur 350 allégations environnementales identifiées sur les sites internet d'entreprises diverses, près de la moitié d'entre elles étaient susceptibles d'être qualifiées de pratiques commerciales déloyales.
De nombreuses mesures, adoptées à l'initiative du ministère de la Transition écologique depuis 2020, ont pour ambition de rétablir la loyauté des allégations environnementales au profit des consommateurs, mais également du marché.
Les allégations environnementales
Le Guide pratique des allégations environnementales, édité par la DGCCRF à l'usage des professionnels et des consommateurs, définit actuellement les conditions d'emploi de 15 allégations environnementales figurant parmi celles qui sont les plus fréquemment employées sur les produits (e.g. « durable », « écologique » « naturel », « recyclable », « responsable », etc.).
Une version mise à jour de ce guide est attendue prochainement. Elle devrait intégrer de nouvelles allégations et notamment celles visées par les récentes lois Anti-Gaspillage et Economie Circulaire de février 2020 (loi Agec) et Climat et Résilience d'août 2021.
Interdiction de la mention « respectueux de l'environnement »
La loi Agec a posé de nouvelles contraintes en matière d'allégations environnementales :
- Il n'est ainsi plus possible d'annoncer un produit comme « biodégradable » ou « respectueux de l'environnement » ;
- l'utilisation des mentions « recyclé » ou « compostable » est davantage encadrée ;
- les produits et emballages en matière plastique compostable doivent désormais porter la mention « ne pas jeter dans la nature ».
Interdiction de la mention « neutre en carbone »
La loi Climat et Résilience, adoptée en août 2021, a quant à elle interdit l'usage de toute allégation de neutralité carbone dans une publicité pour un produit ou un service, sauf à ce que l'annonceur soit en mesure de démontrer une démarche de limitation des gaz à effet de serre et de compensation des émissions qui ne peuvent pas être évitées.
Renforcement de la sanction pénale des allégations environnementales
La loi Climat et Résilience a renforcé la sanction pénale des allégations environnementales, en qualifiant expressément de pratique commerciale trompeuse l'utilisation d'allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'impact environnemental d'un bien ou d'un service. Est concernée également la portée des engagements de l'entreprise en matière environnementale.
L'utilisation d'allégations environnementales trompeuses constitue à ce titre un délit, passible de sanctions pénales sévères, incluant de l'emprisonnement pour les personnes physiques et des amendes jusqu'à 1 500 000€ ou 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité.
Un concurrent pourrait également y voir une concurrence déloyale et obtenir en justice la cessation de la pratique et des dommages-intérêts.
Initiatives en matière de greenwashing au niveau européen
Dans la foulée de son étude de début 2021, la Commission européenne a analysé plusieurs règlementations nouvelles et notamment un projet de règlement sur l'obligation d'étayer les allégations relatives à la performance environnementale des produits et des entreprises. Son adoption par la Commission est attendue pour le 1er trimestre 2022, sous la présidence française de l'Union européenne.
L'évolution des conditions d'emploi des labels environnementaux
Les conditions de l'emploi du label « commerce équitable » sont renforcées. A compter de 2023, seuls les produits répondant aux exigences des labels de commerce équitable reconnus par les pouvoirs publics pourront comporter le terme « équitable » dans leur dénomination de vente.
Pour certaines catégories de produits alimentaires, il est possible de mettre en place des labels privés. Ces labels doivent toutefois garantir une qualité particulière, des conditions de production respectueuses de l'environnement ou la juste rémunération du producteur agricole, afin de distinguer les produits labellisés des produits similaires habituellement commercialisés.
L'information des consommateurs sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits
La loi Agec impose la fourniture aux consommateurs d'une information spécifique sur les « qualités et caractéristiques environnementales » des produits générateurs de déchets. Il s'agit de donner une information transparente et fiable au consommateur, par voie dématérialisée ou au moment de l'acte d'achat sur : l'incorporation de matière recyclée, l'emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité, la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares, la traçabilité et la présence de microfibres plastiques.
Bien que cette nouvelle obligation d'information devait être applicable à compter du 1er janvier 2022, son application affective est subordonnée à l'adoption d'un décret qui n'avait pas été adopté en fin d'année 2021.
Virginie Coursiere-Pluntz, avocate associée au sein du cabinet PDGB, en charge de la pratique Concurrence et Droit de l'UE