Reporting extra-financier : vers plus de transparence
Avec l'évolution des tendances sociétales, la RSE prend une place prépondérante dans le quotidien. En entreprise, il incombe au Daf d'intégrer l'extra-financier dans son reporting. Avec les différentes mesures à venir, celui-ci devrait s'étendre à un plus grand nombre d'entreprises, tout en étant plus transparent et plus durable.
Je m'abonneLe climat est devenu la première préoccupation des français selon une étude publiée par Challenges en septembre 2021. Les inquiétudes sur le climat n'ont cessé d'augmenter, encore plus ces dernières années. Dans ce contexte, l'engagement sociétal des entreprises devient un sujet stratégique. "C'est une tendance marquante !" s'exclame Xavier Ducurtil, directeur de l'engagement sociétal chez Covea lors d'un atelier organisé durant les 29èmes Rencontres de l'AMRAE. Sur le plan politique, l'Union Européenne s'est montrée ambitieuse et a fixé comme objectif de devenir neutre sur le plan climatique d'ici 2050.
Cela implique pour les entreprises de mettre en place un reporting extra-financier. A ce niveau là, c'est désormais la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui va prendre le relai de la NFRD. Elle devrait être votée fin 2022 et s'appliquer dès l'exercice 2023. « Cette nouvelle proposition réforme les règles existantes de publication d'informations extra-financières. Au coeur de cette nouvelle directive, il y a la responsabilité et la transparence. Ce qui signifie que les entreprises devront rendre davantage de comptes, au niveau de leurs risques concernant la durabilité mais également au niveau de leur impact propre au niveau de l'environnement et de la société » explique Typhaine Beaupérin, déléguée générale et secrétaire général de la Fédération Européenne des Associations de Risk Management (FERMA).
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La CSRD pose le cadre nécessaire à la pleine intégration des dimensions ESG à l'intérieur de la performance globale et à long terme de l'entreprise. Cinq changements majeurs sont à prévoir par rapport à la NFRD. Son périmètre d'action est désormais beaucoup plus large. "En plus des grands groupes, toutes les entreprises cotées sur le marché européens seront concernées. C'est le cas par exemple des PME, qui vont devoir effectuer ce reporting durable. Cela représente 4 fois plus d'entreprises qu'aujourd'hui. Les PME qui ne sont pas cotées sont, quant à elles, fortement incitées à faire un reporting durable volontaire" détaille Typhaine Beaupérin.
Autre mutation, des normes communes européennes seront développées. Elles seront sectorielles mais aussi propres à chaque entreprise, en fonction de sa stratégie de développement durable et couvriront tous les éléments de l'ESG. Les entreprises auront également obligation d'auditer des rapports, afin de s'assurer que l'information transmise soit fiable. Ces rapports durables devront faire partie du rapport de gestion de l'entreprise et devront être approuvé par le conseil d'administration et le top management.
L'objectif de tous ces changements est d'avoir une information sur la performance durable des entreprises qui répondent aux mêmes exigences de qualité que l'information financière.
De nouveaux risques à prendre en compte
Une nouvelle directive qui aura un impact important sur les Daf. Coiffant sa casquette de risk manager, il va devoir prendre en compte les risques sociétaux et environnementaux au même titre que tous les risques financiers. "Il faut aider les risk managers à intégrer l'ESG dans la gestion des risques. Cela permettra de garantir au conseil d'administration que ces problématiques sont bien prises en compte," poursuit Typhaine Beaupérin. Elle est rejointe sur ce point par Stéphanie Rodier, responsable gestion des risques chez Limagrain. "Il faudra effectuer un reporting fiable et justifié. Il y a de plus en plus de risques à quantifier, notamment au niveau ESG. On sera beaucoup plus challengé sur le reporting, les parties prenantes attendent plus de transparence sur les plans d'action. Il va falloir retravailler tous les indicateurs et les données de risque."
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Le risk manager (ou le Daf, en l'absence de ce dernier) sera le garant de la cohérence dans toute cette approche d'analyse du risque. "Le risk manager doit s'assurer de la cohérence avec la cartographie globale des risques de l'entreprise," poursuit Stéphanie Rodier. A laquelle il faudra ajouter la notion de double matérialité, introduite par la CSRD. "Il faudra prendre en compte les risques de l'entreprise sur le changement climatique et l'environnement, mais aussi le contraire, les risques que le changement climatique va faire peser sur l'entreprise," détaille la responsable gestion des risques.
Une politique globale de développement durable
Après une première décénie d'amorçage, le reporting extra-financier est aujourd'hui dans une phase de transition. "On passe d'une approche par les risques à une approche par l'impact réel. Il y a un travail en cours sur les KPI avec le double objectif de développer leur pertinence et de les normaliser de manière à ce qu'ils soient comparables d'une entreprise à une autre, ce qui est essentiel. Autre mouvement important, le rapprochement quasi inéluctable de la comptabilité extra-financière avec la comptabilité financière. Les équipes RSE créent de l'impact et c'est à la direction financière de reporter sur cet impact créé," analyse Xavier Ducurtil.
Quelle sera la proochaine étape ? "On se dirige vers une nouvelle phase qui est pour moi l'intégration de l'engagement sociétal dans le core business. Les futurs rapports commenceront par l'intégration de ce sujet dans la stratégie globale de l'entreprise. On sera obligé de rendre des comptes sur la stratégie, les objectifs, les processus et les résultats sur toute la chaine de valeur," prédit le directeur de l'engagement sociétal de Covea.
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La taxonomie européenne va devenir de plus en plus importante pour les entreprises. "Elle va permettre de définir si les entreprises vont être attractives ou pas pour les investisseurs. Elle va également forcer les entreprises à s'éloigner d'activités qui ne seraient pas caractérisées comme des activités durables ou en transition," reprend Typhaine Beaupérain. L'UE compte aussi mettre l'accent sur l'investissement durable. "Dans la stratégie de croissance durable de l'UE, le capital privé est un outil important pour faire ce changement de modèle économique. C'est avec l'investissement qu'il sera possible d'aider mais aussi de pousser les entreprises".
Enfin, le dernier point mis en avant par Typhaine Beaupérain est l'idée d'une gouvernance d'entreprise durable. "L'objectif est d'impacter la stratégie des entreprises, afin de passer d'une logique de maximisation des profits à court terme à une vision durable et à long terme. On va retrouver des éléments pour pouvoir aligner les intérêts de l'entreprise, des actionnaires, des dirigeants. Aider les entreprises et les pousser à mieux gérer les problèmes de durabilité dans toute la chaine de valeur sont aussi des missions envisagées, avec sans doute des sanctions si ce n'est pas fait," conclut-elle.