Vers une norme extra-financière européenne
Le 21 avril 2021, le projet de directive CSRD (pour Corporate Sustainability Reporting Directive) a été publié afin de renforcer et homogénéiser en Europe les rapports dits extra-financiers. A qui s'adresse-t-elle? A quel calendrier faut-il s'attendre? Quelles conséquences pour les Daf ?
Je m'abonneLa finance durable ne cesse d'occuper l'actualité. Comment les Daf et les directions RSE collaboreront-elles sur le sujet? Avec quels moyens?
Un projet de norme extra-financière européen
C'est dans ce contexte qu'a été publiée le 21 avril 2021, le projet de directive CSRD (pour Corporate Sustainability Reporting Directive) au niveau européen afin d'écrire noir sur blanc le reporting des données extra-financières. Mais avant cela, le Parlement et le Conseil européens doivent parvenir à un accord sur un texte législatif définitif. Aujourd'hui, celle-ci est en consultation et les différentes parties prenantes comme les commissaires aux comptes peuvent demander des précisions sur le sujet. Et si il n'a pas encore été acté quelle autorité serait autorisée à auditer les futurs rapports sur la durabilité issus de cette directive, l'EFRAG, groupe consultatif pour l'information financière en Europe s'est positionné sur le sujet en émettant des recommandations.
Aller plus loin que la DPEF et harmoniser les pratiques
Cette directive s'inscrit dans la suite logique de la transcription de la directive européenne sur le reporting extra-financier à l'été 2017 avec la " Déclaration de Performance Extra-Financière " (ou DPEF). "La directive CSRD élargit le champ d'application de la DPEF et harmonise l'ensemble des pratiques.", explique Anne-Marie Jolys Bris, Directrice exécutive Pôle Banques Assurances, experte Règlementaire au sein du cabinet d'audit et de conseil BM&A. "C'est également un instrument de la politique du Green Deal lancé par l'UE en 2020 inspiré par le rapport porté par le groupe consultatif pour l'information financière en Europe (EFRAG) (ndlr : rapport publié le 28 février dernier sur les principales recommandations en vue d'élaborer une norme d'information extra- financière au sein de l'Union européenne (PTF-NFRS)). Au final, après les critiques émises sur le fait que les normes comptables aient été déléguées à l'international, l'idée est aussi de redonner à l'Europe du poids sur le sujet".
Une réflexion qui a aussi été portée par le rapport de mai 2019 de Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables et membre du Collège de l'EFRAG intitulé "Garantir la pertinence et la qualité de l'information extra-financière des entreprises : une ambition et un atout pour une Europe durable".
50 000 entreprises européennes concernées
Ce futur projet de norme s'adresse aux entreprises cotées excepté les micro entreprises mais également aux grandes entreprises qui répondent aux critères de 2 des 3 seuils suivants, à savoir, un CA supérieur à 40 millions d'euros, un bilan total supérieur à 20 millions d'euros, un effectif de plus de 250 salariés. "Avant, cela concernait 11700 entreprises, avec cet élargissement du scope cela devrait concerner près de 50 000 entreprises en Europe", précise Anne-Marie Jolys Bris de BM&A.
Dans cette future norme, certains principes sont similaires à la DPEF comme des KPI qualitatifs et quantitatifs, une prise en compte des risques, un audit, l'exemption des filiales, ... Il existe néanmoins des divergences car celle-ci va plus loin avec des KPI prospectifs, l'alignement des actions et de la stratégie sur l'accord de Paris, limitation à 1,5° du réchauffement climatique, un engagement de la gouvernance sur la thématique de la durabilité, une information sur l'incorporel (capital humain, social, intellectuel et relationnel). Trois thèmes sont mis en avant : l'environnement , le social et la gouvernance. De plus, l'ensemble de ces informations devront être digitalisées dans la foulée.
Côté calendrier, la deadline pour la transposition de la Directive dans le droit national des Etats membres est fixée au 1er décembre 2022. Le 1er janvier 2023 sera la date d'application pour la première fois sur l'exercice fiscal démarrant. Ainsi, les premiers reportings devraient être faits sur la base des comptes 2023 et publiés en 2024. Pour les PME cotées, la date de démarrage est l'exercice fiscal commençant au 1er janvier 2026.
Collaboration entre la direction finance et RSE
Selon une étude du cabinet Accenture de mai 2021, pour 73% des CFO français interrogés, "la responsabilité des performances ESG de l'entreprise incombe à la fonction finance, en dernier ressort".
"Demain, le reporting sur la durabilité sera dans le rapport de gestion donc dans le rapport annuel et audité. Il sera publié en même temps que le reporting financier. Donc si les directions RSE élaborent ces informations sur la durabilité, ce sont les Daf qui pilotent, de leur côté, les informations financières. Au final, il y aura une vraie interdisciplinarité et interconnexion entre les directions RSE et les directions financières. Ils devront travailler ensemble car ils ont chacun de leur côté des données essentielles pour produire des rapports de qualité. De même, ils collaboreront avec la direction des investissements car à terme ces données extra-financières changeront la façon d'investir des entreprises. C'est le principe de la double matérialité de ce reporting : impact sur les activités propres de l'entité et sur ces parties prenantes ", souligne Anne-Marie Jolys Bris de BM&A.
La taxonomie européenne : autre sujet d'importance pour les DAF
Enfin, "les Daf devront aussi s'intéresser de près à la taxonomie européenne qui doit permettre d'encadrer le marché des produits financiers dits " verts " ou " durables "", précise Anne-Marie Jolys Bris de BM&A. Pour rappel, la Commission Européenne a lancé en Mars 2018 son plan d'action intitulé " Financer la Croissance Durable ", qui comprend 10 principales mesures. La première, certainement la plus importante de toutes, est la création d'une Taxonomie Européenne (" EU Taxonomy "), dont le règlement a été publié le 18 juin 2020 et qui est outil de classification qui fournit à tous les acteurs financiers une compréhension commune de ce qui est doit être considéré comme une activité " verte " ou " durable ".