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Hélène Gemähling (Nespresso) : "Une entreprise ne peut pas vivre sans son écosystème"

Publié par Philippe Lesaffre le - mis à jour à

Nespresso a annoncé avoir été certifié B CORP, un label exigeant visant à récompenser l'impact social et environnemental des entreprises. L'occasion d'échanger avec Hélène Gemähling, DRH de Nespresso France, et Clémence Nutini, la responsable développement durable de l'entité française. Soutien aux associations, collecte des capsules usagées... Que veut Nespresso ?


Il fallait avoir au minimum 80 points sur 200 pour obtenir la récompense. Nespresso en a eu 84,3.

Pourquoi Nespresso a voulu s'engager avec le Refuge, qui épaule les jeunes LGBT +, victimes d'homophobie et de transphobie ?

Hélène Gemähling : Nous avons noué différents partenariats avec des associations, depuis 4 à 5 ans, et plus récemment, avec le Refuge. L'idée est de proposer à des jeunes de développer leur insertion professionnelle, via des « coachings emploi ». Nous les aidons notamment à préparer des entretiens. Nous mettons également en place des ateliers autour des métiers de la relation client. Nous avons identifié neuf villes, Nice, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Lille et Paris, à la fois là où nous avons des boutiques et où le Refuge est présent. Nous souhaitons proposer un stage de découverte en immersion dans nos boutiques pour celles et ceux souhaitant se former aux métiers de la relation client. Nous avons débuté à la rentrée 2022 grâce à l'aide de salariés de Nespresso volontaires.

Expérience inclusive

Quel est votre lien avec les Cafés joyeux ? Vous communiquez beaucoup sur ce partenariat.

Hélène Gemähling : C'est un partenariat porteur de sens. Il y a ainsi environ 120 personnes en situation de handicap qui sont chargées de la préparation des commandes et du reconditionnement des machines à café au sein de Nespresso.

Une partie de nos recettes permettra de créer 40 emplois dans les Cafés Joyeux, ce qui correspond à la création de quatre cafés. Nous avons aussi créé une "expérience inclusive" entre les collaborateurs de Nespresso France et de Café Joyeux, nommée « Vis ma joie », qui permet pendant un laps de temps à des collaborateurs des deux structures de partager leur quotidien et leur métier. Des binômes ont été formés en juin dernier dans des boutiques Nespresso, à Rennes et à Paris. Nous allons étendre le dispositif dans d'autres villes, progressivement.

Est-ce le rôle d'une entreprise d'épauler les associations ?

Hélène Gemähling : Oui, on ne peut pas vivre sans son écosystème. Notre société est de plus en plus inclusive, et cela fait partie de nos valeurs d'accompagner des associations ayant besoin de soutiens et de talents. Beaucoup de sociétés sautent le pas, et elles ont raison.

"Les clients sont exigeants"

Les salariés de Nespresso demandent-ils de plus en plus que leur entreprise s'engage toujours davantage ?

Clémence Nutini : À titre personnel, je n'aurais pas rejoint Nespresso si ce n'était pas le cas et s'il n'y avait pas des actions menant à des résultats concrets. Je n'aurais pas pu travailler pour une entreprise qui ne fait pas ce qu'elle dit.

Que remarquez-vous du côté des clients ? Exigent-ils des preuves de ce que vous avancez, par exemple ?

Hélène Gemähling : C'est vrai, c'est important pour eux, et nous communiquons beaucoup avec eux. Or, nous remarquons parfois que les clients ne sont pas encore au courant de tout. Cela nous étonne un peu, car nous avons l'impression de faire des efforts de communication dans les boutiques, en affichages, sur les réseaux sociaux. Nous ne disons rien qui ne soit pas soutenu par des preuves tangibles. Cela prouve qu'il faut poursuivre l'effort. C'est un travail de répétition de longue haleine.

"Le café est une ressource fragile"

Pourquoi avez-vous demandé à être certifié B Corp ?

Clémence Nutini : Dès le départ, cela a été un enjeu fondamental, car le café est une ressource fragile. Le café est en effet cultivé dans des zones tropicales fortement soumises aux phénomènes climatiques que l'on vit actuellement. C'est pourquoi nous souhaitons étendre notre impact positif. Ainsi, nous avons voulu aller chercher l'une des certifications les plus exigeantes en matière de performances environnementales et sociales. Nous avons également souhaité l'obtenir au niveau mondial, et pas uniquement pour l'entité française.

Cela a été une démarche à long terme ?

Clémence Nutini : Nespresso a obtenu la certification en 2022, mais nous y travaillons depuis 2019, en effet. Une centaine de personnes ont été mobilisées au cours du processus, à l'échelle mondiale. Pour y prétendre, il faut d'abord remplir un questionnaire d'environ 200 questions. C'est assez complexe, car il faut chercher et rassembler tous les documents de preuve. Des documents qui sont ensuite audités de façon très rigoureuse par les équipes B Corp. Il y a aussi des entretiens afin de vérifier les informations transmises et pour écouter les collaborateurs.

"Préserver les écosystèmes"

Pour obtenir la certification, il faut un minimum de 80 points. La moyenne de notation des entreprises est de 51 points et le maximum qu'il est possible d'obtenir est de 200 points. Nespresso en a obtenu 84, et nous sommes heureux de ce premier résultat. Tout est rendu public.

Qu'est-ce qui a joué en votre faveur, à votre avis ?

Clémence Nutini : Ce qui importe aux équipes B Corp, ce sont notamment les modèles d'affaires à impact. Ce qui a convaincu, en particulier, c'est la politique d'amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes qui produisent le café, sans oublier de préserver les écosystèmes, la faune et la flore, ainsi que les sols. Nous formons dans cette optique les 140 000 petits producteurs avec lesquels nous travaillons.

C'est-à-dire ?

Clémence Nutini : Depuis près de 20 ans, nos 400 agronomes partagent avec les producteurs de café les pratiques agricoles durables afin d'assurer l'avenir de la filière café. Ils travaillent et vivent dans les fermes, et accompagnent les fermiers pour intégrer les standards du Programme AAA aux pratiques agricoles des cultivateurs.

Le geste de tri pour les petits emballages en aluminium...

Et sinon, pour reprendre votre question, je pense que la mise en place de la filière de recyclage des aluminiums, partout dans le monde, a également joué en notre faveur. Aujourd'hui, en France, de nombreux clients ont une solution de recyclage à proximité de chez eux.

Quelle est votre ambition à ce niveau-là ? Il y a eu des critiques par rapport à la quantité de ces déchets... Le sujet du recyclage est complexe : c'est d'abord un grand défi pour que les capsules soient effectivement recyclées.

Clémence Nutini : Nespresso a choisi l'aluminium, car c'est un matériau recyclable qui permet de préserver l'arôme et la qualité du café. Mais si un métal recyclable n'est pas recyclé au bout de la chaîne, cela ne sert à rien.

En plus de notre système dédié, nous avons mis en place une filière pour pouvoir organiser la collecte en France et recycler tous les petits aluminiums. Le geste de tri le plus simple, c'est de mettre la capsule en aluminium dans son bac. Cela a demandé d'équiper les centres de tri de machines qui permettent de capter ces petits aluminiums.

De nombreux Français peuvent aujourd'hui utiliser leur bac de tri pour recycler leurs capsules en aluminium et tous leurs métaux ; et avec le concours de partenaires comme Citeo, nous poursuivons le déploiement. Du côté des professionnels, à partir d'un certain seuil de commande, nous prenons en charge la collecte et le traitement pour nos clients.

... pour 50 % des Français pour le moment

Mais combien de centre de tri possèdent la machine que vous mentionnez qui permet d'effectivement revaloriser la matière ?

Clémence Nutini : Aujourd'hui, 28 centres sont équipés (c'était 9 en 2015) ce qui permet déjà à 50 % des Français de mettre leurs capsules tout simplement dans leur poubelle de recyclage à domicile.

Cette machine à courant de Foucault fonctionne comme un gros aimant captant l'ensemble des petits emballages en aluminium : les capsules usagées mais également les canettes, les opercules de yaourts, gourdes jetables... peuvent être réinjectés dans l'économie circulaire.

Nous avons oeuvré pour mettre en place une filière de tri sélectif des petits aluminiums en France dès 2009. Nos capsules, alors trop petites pour être récupérées en centre de tri, ne pouvaient être triées dans les bacs de tri présents dans chaque foyer français. Conscients de la solution que représentaient ces bacs de tri, nous nous sommes impliqués il y a près de 15 ans avec d'autres acteurs du recyclage comme Citéo. Nous avons alors financé l'équipement de 4 centres de tri pilotes en machines à courant de Foucault, capables de capter les petits emballages en aluminium. Les résultats concluants ont permis d'étendre l'expérience à d'autres centres.

Le marc de café récupéré

Et que se passe-t-il ensuite pour les matériaux récupérés ?

Clémence Nutini : Tout est récupéré et envoyé dans un centre de tri et de retraitement de la matière usagée, appartenant à notre partenaire Veolia, à Boves, près d'Amiens (jusqu'en 2021, le traitement s'effectuait au Pays Bas, ndlr).

Le marc de café est récupéré sur le site, et transformé en compost, puis il sera utilisé par les agriculteurs des environs. Quant à l'aluminium, il est retraité, et cette matière va rejoindre la filière de l'aluminium recyclé, en Europe. Nespresso a d'ailleurs lancé les premières capsules faites avec de l'aluminium recyclé, et l'entreprise a agi pour que toutes ses capsules grand public soient fabriquées à partir de 80 % d'aluminium recyclé. C'est le cas depuis fin 2021.

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