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Vincent Auriac (Axylia) : "Les entreprises ont à payer leur facture carbone"

Publié par Philippe Lesaffre le - mis à jour à

"Nous devons créer de la valeur sans détruire les ressources naturelles", indique Vincent Auriac, président d'Axylia, la maison de la finance responsable. Oui, comme il le dit dans une tribune, "les entreprises peuvent se métamorphoser".

Ce texte construit comme une tribune est issu d'un échange qu'Ekopo a eu avec Vincent Auriac d'Axylia, à l'origine de l'Indice Vérité 40, qui met en avant les entreprises capables de payer leur facture carbone.

En décembre 2021, la société de gestion Axylia a remporté un Lauréat d'Or lors des Ekopo Awards 2021 pour la création de son outil Score Carbone.


Chaque acte a un impact. L'ONG Oxfam a mesuré l'empreinte carbone des placements financiers, du bilan des établissements bancaires. Placer un million d'euros à la Société Générale revient par exemple à libérer in fine 635 tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Car cet argent finance secteur des énergies fossiles et pétrolières.

Aussi, mesurer l'empreinte carbone des placements des produits est une initiative nécessaire. Depuis 20 ans, la finance s'appuie sur la notation ESG, soit l'évaluation d'une structure sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Or, c'est une note qui ne parle pas. Elle est trop globale. Beaucoup de nos clients ne la comprennent pas. Et ont souhaité que nous empruntions une autre voie. Mais laquelle ? Comment calculer l'engagement de l'entreprise vis-à-vis du changement climatique ? Comment prouver son impact ? Tout simplement, en mesurant les émissions de CO2. D'autant que certaines entreprises sont contraintes de publier ces informations depuis 2010 (pour en savoir plus, N.D.L.R.).

D'où notre volonté de calculer une... facture carbone en fonction des émissions de chaque acteur. Il y a de l'impact, c'est concret. Des économistes du climat ont pu calculer les dommages en euros que peut engendrer un réchauffement de 1° de la planète sur le PIB : c'est 100 euros la tonne environ. Cette facture carbone, il faut qu'elle puisse entrer dans la comptabilité des entreprises, y être intégrée. Or, pour l'heure, cela manque. Si nous continuons comme avant, nous allons droit dans le mur. Nous devons créer de la valeur sans détruire les ressources naturelles. Il y a un signal à envoyer. Pour l'heure, nous devons reconnaître notre échec collectif à mobiliser (les scientifiques n'ont pas été écoutés).

Les entreprises et leur "score carbone"

Il faudrait que les entreprises payent les dommages causés par leurs activités (ce qui me semble assez logique). Mais comme elles chercheront à ne pas dépenser, gageons qu'elles auront la volonté de réduire leurs émissions carbone. À l'heure actuelle, s'il y avait une facture carbone annuelle à vraiment prendre en compte, une entreprise sur deux en moyenne ne pourrait la payer, peu importe sa taille, peu importe son secteur d'activité.

En fonction de la facture carbone, nous pouvons donner une note à l'entreprise, c'est le "score carbone" (imaginé par Axylia). Une entreprise peut avoir un A, un B, ou un C quand elle reste dans le « vert », une fois que la facture carbone a été déduite de ses bénéfices. Pour les autres, nous leur attribuons une note inférieure : D, E ou F. Par exemple, Airbus, pour un euro de bénéfice, il y a 16 euros de facture carbone.


Nous avons à intégrer le vocabulaire de l'entreprise. Grâce à ce langage économique, la société sait tout de suite où elle en est, et sait la direction qu'elle doit prendre. Nous avons créé le site scorecarbone.fr pour permettre aux entreprises de déposer leurs données carbones, pouvoir se comparer à leurs paires et calculer leur score carbone actuel et prospectif (aussi appelé score carbone dynamique). Également, les entreprises peuvent extraire cette information simple et transparente pour leurs communications internes et externes.

Le site du score carbone est aussi disponible pour les sociétés de gestion, les conseillers de gestion en patrimoines ou tout simplement les particuliers qui souhaitent connaître le score carbone de leurs portefeuilles.


L'Indice Vérité 40, à la place du CAC 40

Sur le site scorecarbone.fr, certaines entreprises ne sont pas notées parce qu'elles n'ont pas fait connaître le détail de leurs émissions de carbone. Sans transparence, pas de note. De nombreuses structures, qui n'ont pas à s'y plier, il est vrai, ne dévoilent pas les émissions indirectes relatives à leur activité, celles des fournisseurs, des parties prenantes (scope 3). Aussi ne publient-elles que les émissions directes (scope 1 et 2).

Or, les émissions indirectes sont les plus nombreuses. Elles représentent environ 80 % de l'ensemble des émissions, c'est même 93 % dans le secteur bancaire (entre les financements, et les prises de participation des banques). Depuis un décret ministériel de cet été, il est désormais obligatoire de publier ce scope 3, les entreprises doivent travailler à l'estimer.

Par ailleurs, nous avons appliqué le score carbone aux entreprises cotées en Bourse, et avons imaginé l'Indice Vérité 40 dans lequel figurent de bons payeurs. Elles peuvent ne pas faire partie du CAC 40, mais elles sont capables de payer leur facture carbone. Les capitalisations boursières n'indiquent pas tout de la création de valeur des entreprises.

Passer du rouge au vert à l'avenir

Nous nous sommes demandé quelles seraient les entreprises qui pourraient payer leur facture en 2025, et celles qui pourraient rentrer dans le peloton. On prend en compte la prévision de bénéfices en 2025, les émissions de CO2 en 2020 corrigées des engagements de réduction de l'empreinte carbone. Dans le même temps, le coût des dommages va augmenter (il sera de 150 euros la tonne, et non plus de 100 euros environ), il faut l'intégrer. Il y a de l'espoir, nous pouvons évoluer, les entreprises peuvent passer du rouge au vert.

De plus en plus, les directions aiment ce type d'indicateurs simple, visuel et impactant et prennent conscience des enjeux. Elles savent qu'elles ont à changer. Les émissions de CO2, c'est la référence, il faut réduire la facture carbone à zéro. Il faut se réinventer, les entreprises peuvent évoluer et se métamorphoser. Certains ont du mal à s'y mettre, les freins sont importants, d'autres veulent s'engager.

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