Réinventer l'engagement au travail en sortie de crise
Publié par Bernard Coulaty, fondateur et président de Most Engaged le - mis à jour à
Bernard Coulaty, DRH pendant plus de 30 ans en France, en Europe puis en Asie pour de grands groupes français à dimension mondiale (Danone, Pernod Ricard), est un expert reconnu des stratégies d'engagement et de transformation RH.
Tout milite pour défendre le business case de l'engagement auprès des directions générales comme un outil de transformation : accompagnement des chantiers "raison d'être", développement de la coopération et de l'agilité interne, chasse aux silos, nécessité d'investir sur la résilience individuelle et collective pour assurer le développement de l'organisation face à l'incertitude et l'ambiance anxiogène qui risque fort de durer en cette pré-sortie de crise sanitaire.
Si la période a permis de faire émerger de nouvelles solidarités, elle a aussi fait apparaitre des "silos" de populations (les malades, les salariés au front que ce soit les soignants ou ceux qui ont assuré la continuité du pays, les collaborateurs confinés en télétravail, ceux confinés sans travail...). Il est donc essentiel pour les entreprises de prendre en compte ces réalités, de partager ces expériences, d'écouter les signaux faibles de mal-être qui en découlent, mais aussi de recréer du collectif au sein de l'entreprise, enfin d'adopter une gestion sociale exemplaire car de cela dépendra le potentiel de réengagement des équipes.
Au-delà de ce constat, revenons sur le modèle français qui oscille hélas entre deux rives extrêmes sur l'approche du travail : on a le choix entre risques psychosociaux ou bonheur au travail ! Bien au contraire l'engagement est une co-production entre collaborateurs, équipes, managers et l'ensemble de l'organisation dont le rôle est clé pour montrer la vision et surtout y engager tous ses acteurs de manière durable.
4 chantiers prioritaires me semblent nécessaires à conduire pour reconstruire un engagement durable dans les organisations et les équipes :
Redéfinir les moteurs de l'engagement individuel et collectif : oui la bienveillance est de mise dans le contexte de la crise sanitaire, mais il s'agit aussi de faire grandir les collaborateurs et donc il faut trouver un chemin, une ligne de crête entre bienveillance qui protège et exigence qui fait grandir. Cela passe par une meilleure connaissance des moteurs individuels, du désengagement vers le surengagement, dans le but de susciter l'auto-engagement et l'appropriation par les collaborateurs, favorisant ainsi la résilience individuelle, la quête de sens, l'intégration des aspirations individuelles.
Faire émerger des leaders créateurs d'engagement : acteurs par excellence de l'engagement des équipes, les managers doivent renoncer à certaines pratiques : micro-management, pression et focus sur le quotidien, valorisation de la performance et non de la qualité de l'engagement...pour développer un leadership engageant qui pratique la confiance, le feedback permanent, l'autonomie, et surtout pour donner du sens aux actions quotidiennes de ses équipes.
Faire vivre les moments précieux et éliminer les irritants de l'organisation : si le manager est un pivot central de l'engagement, l'organisation doit repenser l'expérience collaborateur, faire la chasse aux irritants (complexité, millefeuille de processus, discrimination, silos entre services...), bichonner les moments précieux (cycle de vie du collaborateur, intégration, célébration des succès, développement), faire vivre un projet qui donne du sens et une culture apprenante. Avec un incontournable aujourd'hui, la mise en oeuvre d'un 'télétravail durable' redéfinissant les activités selon leurs finalités.
Déconfiner les DRH ! : totalement absorbés par la gestion opérationnelle de la crise, les DRH doivent aborder ces nouveaux enjeux pour reconstruire une chaine de valeur RH créatrice d'engagement. Cette approche passe par l'accompagnement de la résilience collective, une meilleure reconnaissance et des talents 'invisibles', une marque employeur plus modeste, une expérience collaborateur moins hédonique et plus 'apprenante'. La posture des DRH doit également évoluer : moins de processus et plus de terrain, moins de servitude mais une attitude plus stratégique challengeant l'existant et les parties prenantes.