La transition énergétique et écologique des pays du Sud, version MOOC
En novembre 2017, plus de 15 000 scientifiques lançaient un appel dans le quotidien Le Monde, titré " Il sera bientôt trop tard ". Ils so...
Je m'abonneEn novembre 2017, plus de 15 000 scientifiques lançaient un appel dans le quotidien Le Monde, titré " Il sera bientôt trop tard ". Ils soulignaient qu'au moment où les défis environnementaux s'aggravent, nous échouons à les résoudre. Et c'est un fait : les émissions de gaz à effet de serre sont en constante augmentation et le taux de CO2 dans l'atmosphère n'a jamais été aussi élevé depuis au moins 800 000 ans, se situant désormais au-dessus de 400 parties par million (ppm) - contre 280 avant l'ère industrielle.
Selon le dernier rapport du GIEC, si nous ne faisons rien, nous pourrions être confrontés dès 2040 à une hausse globale des températures de 1,5°C par rapport aux niveaux pré-industriels. Le rapport donne cependant une lueur d'espoir : il est " géophysiquement " possible de limiter le réchauffement à 1,5°C à l'horizon 2100. Pour y parvenir, il faut viser un bilan carbone nul en 2030, ce qui implique un effort considérable à fournir dès aujourd'hui.
Mais sommes-nous prêts à fournir un tel effort ? Car une dissonance entre nos convictions, souvent favorables à la protection de la planète, et notre propre résistance au changement existe indéniablement. À la suite des travaux du psychologue Kurt Lewin, dans les années 1940, de nombreux auteurs ont montré combien nos comportements pouvaient aller à l'encontre de nos convictions. Le dernier ouvrage de George Marshall (2017), Le Syndrôme de l'autruche, est en ce sens très éclairant sur l'inertie collective qui accompagne le réchauffement climatique. " Nous ne croyons pas ce que nous savons ", dit pour sa part le philosophe Jean-Pierre Dupuy, en plaidant pour un " catastrophisme éclairé ".
Que nous manque-t-il pour passer à l'action ? Outre une meilleure compréhension des défis environnementaux et climatiques, il nous faut des propositions alternatives. La pédagogie autour de ces enjeux globaux doit être tournée vers les solutions plutôt que vers les problèmes.
C'est tout l'esprit du MOOC sur les transitions énergétique et écologique proposé par l'AFD et l'École normale supérieure. Ce cours en ligne, gratuit et accessible à tous, sera dispensé en français et sous-titré anglais. Il démarre ce lundi 15 octobre pour 6 semaines (les inscriptions restant ouvertes quatre semaines après le début des cours).
Conçu à la suite de l'adoption des Objectifs de développement durable par la communauté internationale et de la COP21 en 2015, le MOOC " Transitions énergétiques et écologiques dans les pays du Sud " a pour objectif de présenter de manière claire et pédagogique les enjeux et défis majeurs de la transition énergétique et écologique.
Il vise également à engager un débat et à encourager les interactions entre participants. Des forums libres permettent ainsi à chacun de réagir et de s'exprimer tout au long du MOOC. L'objectif ? Que les participants - décideurs et acteurs de la décision publique et économique, mais aussi étudiants - poursuivent la réflexion dans l'échange afin de les inciter à agir.
Porté par Alain Grandjean, expert français de la transition énergétique, et Gael Giraud, chef économiste de l'AFD, le MOOC rassemble les points de vue croisés de spécialistes du changement climatique, de l'écologie, et du développement.
Il s'ouvre sur le constat de l'insoutenabilité des trajectoires actuelles, en raison du dérèglement des grands cycles, de la " razzia sur les ressources naturelles " qui épuise notre planète (si l'on maintient notre taux de déforestation actuel, il n'y aura plus de forêts d'ici la fin du siècle) et du consumérisme qui transforme la planète en grande poubelle (chaque année, des millions de tonnes de plastique sont rejetées en mer).
Extrait du MOOC : Alain Grandjean, économiste et dirigeant fondateur de Carbone 4, à propos de la trajectoire de New Climate Economy vers les deux degrés.
Les modèles économiques dominants qui gouvernent nos sociétés sont au cour du problème.
En mettant l'accent sur la croissance " quantitative " mesurée par le PIB, sans considération de ses conséquences sociales ou environnementales, ces modèles font obstacle à la transition écologique et énergétique actuelle. Pour tracer une trajectoire de développement compatible avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut avant tout décarboner l'économie.
Le MOOC montre qu'en matière de développement sobre en carbone de nombreuses voies existent, notamment dans les pays du Sud : économie circulaire, agriculture durable, économie qui préserve la biosphère et la biodiversité sont autant de solutions qui permettent de dégager un revenu tout en préservant et en régénérant la nature. Slim Dali, économiste à l'AFD, présente ainsi à travers l'exemple de trois pays (Indonésie, Jordanie et Nigéria), le concept d'intensité énergétique du PIB et les alternatives possibles pour réduire le caractère énergivore d'une économie.
Extrait du MOOC : Slim Dali, chargé d'études économiques à l'AFD, sur l'intensité énergétique du PIB et intensité carbone dans les pays du Sud.
Le MOOC aborde également la question du financement de la transition. Les économistes de la New Climate Economy estiment en effet qu'il faudra investir environ 90 000 milliards de dollars d'ici 2030, soit 6 000 milliards de dollars par an, pour opérer la transition vers un développement durable. Comment financer cette transition ?
L'ensemble des acteurs, privés comme publics, ont sans conteste un rôle majeur à jouer pour mobiliser et catalyser les investissements. S'agissant de la puissance publique, elle peut notamment intervenir par le biais de la réglementation, que ce soit en fixant un prix au carbone (comme le recommande la Commission Stern-Stiglitz) ou en arrêtant de subventionner les énergies fossiles, très polluantes.
Les subventions publiques aux énergies fossiles se chiffrent en effet à 500 milliards d'euros par an, tandis qu'en comparaison, les subventions publiques aux énergies renouvelables avoisinent les 100 milliards d'euros par an, soit cinq fois moins.
La transition bas-carbone ne doit cependant pas être punitive pour les acteurs économiques et des solutions existent en ce sens. Le Ghana a, par exemple, choisi d'utiliser l'économie réalisée par la baisse des subventions aux énergies fossiles pour la redistribuer à travers des actions concrètes : électrification des zones rurales, distribution d'ampoules plus efficientes et l'élargissement de la couverture santé.
Extrait du MOOC : Gaël Giraud, chef économiste de l'AFD, sur la nécessaire réduction des subventions aux énergies fossiles.
Si le climat constitue un enjeu global, les écosystèmes étant interconnectés, les causes et les conséquences du changement climatique ne sont pas uniformément réparties sur la planète.
Le continent africain n'est ainsi responsable que de 4 % des émissions de gaz à effet de serre alors même qu'il est déjà sévèrement affecté par les conséquences des dérèglements climatiques. De même, les défis et les opportunités pour inverser le cours des choses diffèrent fortement d'un point à l'autre du globe.
La question climatique, parce qu'elle trouve son origine au Nord et a des impacts et des conséquences majeures sur les dynamiques de développement au Sud, doit être envisagée dans un cadre global de solidarité internationale et de redéfinition des rapports Nord/Sud. Elle doit être l'opportunité de repenser le développement, en faisant de la transition énergétique et écologique l'occasion de construire dans ce monde d'interdépendances, une prospérité partagée.
Le MOOC montre ainsi combien les pays du Sud ont un rôle spécifique à jouer dans ce bouleversement complet des modèles économiques, commerciaux et politiques actuels, au service d'une transition énergétique et écologique efficace. Du fait des dynamiques d'investissement dans lesquelles ils sont engagés, ils ont aujourd'hui l'opportunité d'inventer une autre prospérité.
Ce que souhaite montrer plus largement ce MOOC, c'est que la transition énergétique et écologique dans les pays du Sud offre l'opportunité de construire une vision nouvelle du développement, en revisitant le rapport de l'homme à la nature, la toute-puissance de la marchandisation et de la compétition, l'appropriation de la gestion des communs.
Article publié le 14 octobre 2018 sur The Conversation.
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