Les entreprises face au rapport du Giec

Publié par Céline Tridon le - mis à jour à
Les entreprises face au rapport du Giec

Le dernier rapport du Giec, dévoilé le lundi 4 avril 2022, veut bouleverser les consciences : il ne reste plus que 3 ans pour améliorer la situation environnementale générale. A chacun d'agir, à commencer par les entreprises, même petites.

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« Accablant », « alarmant », « dramatique » : les mots utilisés par la presse ou les experts pour décrire le troisième et dernier volet du rapport d'évaluation du Giec font dans l'emphase. Et il y a de quoi.

Révélé le lundi 4 avril 2022, ce document de plus de 2000 pages du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat fait état d'un délai de 3 ans pour éviter les pires effets de la crise climatique. Les émissions doivent en effet atteindre leur maximum avant 2025, avant d'être drastiquement réduites. « Ce qui est préoccupant dans le dernier rapport du Giec, c'est le temps qu'il nous reste pour réagir, insiste Fabrice Bonnifet, président de l'association C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable). Au-delà de 1,5 degré, le problème n'est pas tant le réchauffement, mais que mathématiquement, des événements indésirables liés au réchauffement climatique se multiplieront de façon exponentielle. On sait ce qu'il va se passer et même où cela va se passer : les ordinateurs du Giec ont modélisé les effets du changement climatique, quasiment région par région. »

Inertie

La particularité de ce troisième volet porte sur les adaptations et les solutions à portée de tous. Et celles qui s'offrent aux entreprises sont nombreuses ! « C'est important de montrer aux entrepreneurs qu'il y a 3 domaines qui sont rentables : les économies de ressources et d'énergie pour lesquelles il faut investir dans l'efficience ; les opportunités industrielles où l'investissement permet de protéger l'environnement, de créer des emplois et du profit ; l'économie circulaire », énumère Bertrand Piccard.

Le président de la fondation Solar Impulse met en avant le chiffre de plus de 75 % de l'énergie qui est produite puis perdue à cause de systèmes inefficients. Et de citer quelques exemples : dans les usines, la chaleur des cheminées peut être réemployée en interne pour chauffer les locaux, au même titre que celle des ordinateurs et connexions au réseau. Sans oublier le remplacement de ses véhicules pour une flotte plus verte, ou une meilleure isolation de ses bâtiments. Soit autant d'initiatives accessibles aux petites entreprises : croire que les efforts sont l'apanage des grands groupes serait une erreur. « Ce n'est pas parce qu'une structure est petite qu'elle a moins d'impact. En France, il existe plus de petites que de grosses entreprises : elles ont donc aussi une responsabilité morale. Si tout le monde réagissait en se dédouanant, on assisterait à une forme d'inertie », alerte Fabrice Bonnifet. Ce dernier dénonce de fausses excuses : il faut mettre fin au déni et initier un certain changement. Comment ? En identifiant quelles sont les sources d'émissions directes et indirectes des entreprises, par la mise en place d'un bilan carbone. « Et il faut communiquer, créer un effet de chaine en montrant à ses clients, par exemple, que choisir telle entreprise, c'est être plus responsable. Il ne faut pas avoir peur de stigmatiser les entreprises écocides, car elles sont considérées comme contributives négatives au changement climatique », ajoute Fabrice Bonnifet.

Moderniser

Parmi les différentes barrières à la réduction des émissions, le rapport du Giec relève, entre autres, des contraintes institutionnelles. Or, selon lui, les solutions doivent combiner actions des entreprises et des corps intermédiaires, actions des citoyens et politiques publiques. Tout en prenant en compte les spécificités des différentes régions du monde.

« Le rapport du Giec, pour la première fois, pointe directement les obstacles. Et le franc-parler des experts est étonnant, commente Bertrand Piccard. Sont en effet mentionnés la mauvaise gouvernance, le manque de leadership et la paralysie administrative. Ce sont des obstacles humains et non techniques. D'ailleurs, aujourd'hui, beaucoup d'entreprises hésitent encore à investir dans des solutions plus respectueuses de l'environnement parce qu'une incertitude complète sur le plan législatif persiste. Elles ne savent pas, par exemple, s'il y aura ou non une taxe carbone, des incitations pour l'économie circulaire, etc. »

Conséquence ? Face à cette incertitude législative, les entreprises attendent. Pourtant, il est possible de contourner les obstacles pointés du doigt avec des solutions prouvées comme étant économiquement rentables. L'explorateur insiste d'ailleurs sur un mot : « moderniser ». « C'est un terme que je pousse à fond : moderniser les systèmes, les infrastructures et les procédés. C'est mieux que de dire qu'il faut tout changer », estime-t-il. « Certes, tout changement d'habitude est un stress et tout changement d'habitude requiert un surcroit de l'énergie pour vaincre l'inertie habituelle », glisse pour sa part Fabrice Bonnifet.

Bien sûr, se pose aussi la question du financement... De plus en plus, émergent des fonds d'investissements spécialisés dans les solutions écologiques. Au même titre que les obligations vertes qui permettent de développer des infrastructures plus efficientes, par exemple. Mais qu'en est-il des financements accessibles aux TPE et PME pour des rénovations et des modernisations de leurs systèmes ? La plupart se tournent vers leur établissement bancaire pour obtenir des crédits dédiés. « Crédits qu'elles rembourseront avec les économies réalisées grâce à l'efficience », pointe Bertrand Piccard... « De toute façon, il faut s'attendre à ce que tout ce qui est carbonique soit plus cher dans le futur », prévient Fabrice Bonnifet. Le signal prix sera déterminant dans la bascule.

 
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