Charles-Henri Margnat (Positive Workplace): "Des contraintes amènent les acteurs privés à se transformer"
Positive Workplace, le label RSE made in France, et à mission, évalue le niveau de maturité des entreprises dans leur stratégie visant à réduire leurs impacts négatifs. Et pas seulement des sociétés tricolores. Ekopo a échangé avec Charles-Henri Margnat, son fondateur, pour qui les choses évoluent du côté des entreprises. Tant mieux.
Je m'abonneEkopo : Pourquoi a été lancé Positive Workplace ?
Charles-Henri Margnat : Nous nous sommes lancés en juillet 2019 et avons été opérationnels en avril 2020. L'idée de Positive Workplace est de répondre dans un premier temps à l'urgence climatique, en proposant un parcours de labellisation éclair, de deux à trois mois. Avec d'autres acteurs, cela peut prendre de six à 24 mois. Le but du jeu est également de s'affranchir du greenwashing, en accordant 50 % de la notation sur les retours anonymes des principales parties prenantes (autant les salariés, que les clients ou les fournisseurs).
Enfin, nous souhaitons capitaliser sur le savoir-faire RSE européen pour le proposer comme standard mondial de développement durable. Jusqu'à juin dernier, nos référentiels RSE étaient encore « privés » et uniquement accessibles à nos clients et partenaires. Depuis le début de l'été, ils sont désormais libres, gratuits, et accessibles à tous sur une toute nouvelle plateforme digitale. Plus de 130 entreprises utilisent depuis nos référentiels. Autre évolution importante. Ces référentiels deviennent collaboratifs. Chaque utilisateur peut suggérer des évolutions dans les questions ou les réponses, un peu sur le modèle de Wikipédia.
Comment la démarche de labellisation se déroule-t-elle ?
Elle se déroule en deux étapes. L'entreprise complète le référentiel en ligne fondé sur cinq principales parties : activité, gouvernance, sociale, environnement, sociétale. Elle doit justifier ses réponses par des preuves documentaires. Cette étape est gratuite.
Ensuite un contrat est signé avec notre organisme afin d'intégrer officiellement le programme de labellisation et la communauté Positive Workplace. La deuxième étape nécessite de diffuser des enquêtes auprès des salariés, des clients et des fournisseurs. Cela peut être la totalité ou un panel représentatif en fonction de la taille de la structure. Autant de personnes qui ont la possibilité de donner leur avis sur l'entreprise candidate, sur ses pratiques, ses ambitions par exemple en matière d'impact carbone.
Nous avons une cinquantaine de versions du questionnaire en fonction des métiers, et disponibles en six langues. Il est à chaque fois adapté à la population ciblée. Les personnes peuvent y répondre de manière sincère, c'est anonyme. L'intérêt, c'est aussi que les parties prenantes peuvent suggérer des axes d'amélioration à l'entreprise candidate. Exemple, Electro dépôt, aujourd'hui en possession du label, avait lors de la phase d'évaluation reçu plus de 600 propositions, dont la moitié sur le volet environnemental... Le sujet intéresse ! Le taux de réponse dépend du volume total des contacts. Plus l'entreprise est petite, plus le taux de retours doit être élevé.
Les référentiels RSE viennent d'être mis à jour en juin dernier et intègrent toutes les nouvelles réglementations européennes et anticipent les futures (directive CSRD).
Et, de là, avec les informations reçues, vous pouvez labelliser les entreprises...
Oui. On met en miroir les pratiques des entreprises avec la perception de celles-ci par ses parties prenantes. Leurs témoignages sont importants pour l'évaluation. Leurs réponses sont exploitées, ce qui permet de déterminer une notation, à partir de critères définis. Nous avons des conditions d'obtention du label contrairement aux autres labels en Europe. Exemple : il faut avoir une stratégie climat alignée sur l'accord de Paris pour atteindre les deux étoiles sur trois. Les entreprises sont en particulier très attendues sur les émissions carbone, leur stratégie RSE et la définition de leurs missions dans la société.
Le label propose jusqu'à trois étoiles. Seules trois sociétés ont à ce jour obtenu le Graal. Les trois sont entreprises à mission (Socaps, Besight, Fairspace), ont un impact positif sur la société, communiquent par exemple sur l'empreinte carbone de leurs produits aux clients, etc.
En général, au bout d'un an et demi, les entreprises s'évaluent à nouveau, et on peut voir alors les améliorations et mettre à jour la notation. Rien n'est figé, elles peuvent prétendre à obtenir une étoile en plus notamment.
Sentez-vous le vent tourner du côté des acteurs économiques ?
Oui clairement. Plusieurs contraintes amènent les acteurs privés à se transformer. La première : la demande des clients. La performance extra-financière des fournisseurs est importante pour l'accès aux marchés, notamment publics. Et puis en deuxième point : la partie réglementaire. L'étau se resserre. Cela fait bouger les entreprises. Et il y a des enjeux d'embauche et d'attractivité. Il risque cependant d'y avoir une déception des salariés qui trouveront peut-être que telle ou telle entreprise ne va pas assez vite. Après, il faudrait de réelles politiques pour accélérer la transition. Les entreprises peuvent évoluer dans leurs pratiques, mais ne peuvent pas s'en charger seules. La solution est politique.